ETRE PERFORMANT EN KINE DU SPORT EN 2020?

Que’est-ce qu’être un bon kiné ProSport ?

Alors c’est simple, le mauvais kiné ProSport, il voit son patient, il pose un diagnostic, il le soigne. Le bon kiné ProSport… il voit son patient… il pose un diagnostic… il le soigne. Voilà.

Bon pas si facile en faîte, du coup, on s’est dit que nous allions demander à nos formateurs de nous présenter leur vision.

Vous verrez, certaines conceptions se recoupent bien qu’exprimées différemment, d’autres peuvent sembler être différentes, voir s’opposer. C’est ce qui fait la richesse de notre écosystème thérapeutique : des forces qui s’associent pour vous permettre de grandir, de vous enrichir d’un sens critique et de mieux vous éclater dans votre passion.

 

Nous avons donc demandé à 4 formateurs – Yohann CASIN, Christophe DAFURRIELA, Maxime EYMARD et Frederick CAUSSE – de nous partager les compétences requises pour devenir un bon kiné du sport.

Leurs réponses posent les fondations et les sensibilités de l’écosystème K-LYF.

Yohann CASIN, co-fondateur de K-LYF fort de ses presque 20 années dans le haut niveau le synthétise simplement :

Yohann CASIN, co-fondateur de K-LYF fort de ses presque 20 années dans le haut niveau le synthétise simplement :

« Voici mes 2 conseils propices à la performance en kiné du sport:

 

1/ SAVOIR-FAIRE

La capacité à maîtriser un panel varié de techniques de soins (puisqu’adaptables à toutes et à tous par définition!), combinée au contrôle de tout l’univers qui vous entoure (Optimisation du Renforcement Musculaire avec des protocoles simples ; Education thérapeutique ; Gestion des Espaces de travail ; Organisation et interactions entre praticiens au sein du cabinet/vestiaire…) vous permettront de vous concentrer enfin sur la relation thérapeutique avec votre patient sportif, et c’est là qu’il place toute son exigence la plupart du temps! C’est la clé, pour gagner sa confiance et rester focalisé sur ce qui importe et surtout sur ce qu’il ne faut pas manquer !

 

2/ APPRENTISSAGE BAYESIEN

Vous devez avoir créé en amont tout un répertoire pré-définis de bilans, réalisables de façon automatique, et différentes trames d’exercices spécifiques à chaque sport et à ses pathologies les plus fréquentes.

Ainsi, vous pourrez vous fier de plus en plus à votre expérience de terrain pour reconnaître les facteurs de risque de blessures les plus morbides, en fonction des gestes répétitifs spécifiques du Sportif (/poste de jeu par exemple), et de ses potentielles anomalies biomécaniques (d’où des préférences mécaniques induites, potentiellement pathogènes après quelques années de pratique).

 

Ces connaissances seront essentielles pour trouver les progressions rééducatives les plus pertinentes et les plus efficaces (en fonction des degrés de liberté, de l’intensité et de la complexité des exercices de rééducation). »

 

Que peut on analyser de sa définition ?

Être un bon kiné du sport, c’est être prêt : avoir ses bilans, comprendre le sportif et son environnement, avoir une maîtrise de ces techniques afin d’être adaptable et de se concentrer sur la relation patient-thérapeute.

 

C’est au travers de partages d’expériences, de « recettes » et stratégies que Yohann promeut la diffusion de sa vision du kiné ProSport. Sa recette pédagogique consiste à vous proposer des réflexions sur l’écosystème du patient pour mieux définir vos angles thérapeutiques ; et de vous montrer comment vous pouvez varier les contraintes pour proposer un progressive loading adapté : sollicitant mais rassurant.

Fred Causse, à certes moins d’années de pratique que Yohann mais son passé de sportif de haut niveau associé à ses réflexions sur ces blessures et sa pratique quotidienne dans son cabinet lui permettent de proposer un angle d’attaque complémentaire.

Être un bon Kine du sport ?

Une grosse question sans vraiment une bonne réponse.
La réponse dépend aussi du type de patientèle. Être Kine du sport pour un sportif amateur, c’est différent d’un sportif professionnel. Les demandes sont différentes. L’humain également.

A mon sens, le base de la pyramide reste et restera des savoirs poussés en anatomie du mouvement et en biomecanique du mouvement. Je précise du mouvement parce que très peu de personnes sont capables de dire réellement ce qu’il se passe quand on bouge. Ça s’apprend. Et le « en mouvement » est crucial car c’est l’essence même du sport d’être en mouvement.

Du coup cela nous emmène à un autre pré requis. Savoir faire une analyse poussée des demandes de l’activité sportive pratiquée. Sans cela, on ne peut répondre correctement aux besoins du patient.

Un autre point clé, c’est d’etre en bonne forme. Sans avoir besoin d’être un athlète de haut niveau. Mais être en mesure de démontrer précisément et justement un mouvement. Savoir l’adapter aussi à la personne en face de nous.
Ce qui sous tend un autre savoir : savoir coacher un exercice. Quel feed-back ? Comment puis je l’amener là où je souhaite qu’il arrive ? Quels outils ? Quelle méthodologie ? Quels paramètres à faire varier ? Etc

Développer un bilan clinique précis. Cela sous tend de se former régulièrement aussi. Le but est d’avoir une compréhension de la survenue de la pathologie. De traiter la cause en plus de la symptomatique. Et ne pas attendre le facteur temps dans les processus de cicatrisation. L’objectif étant la résilience des tissus sur le long terme. Et souvent à lier aussi dans l’optimisation des performances mais ça c’est un autre discours…

Sur ces bases là, on y greffe la gestion de la charge de travail avec notamment une importance dans la communication avec le patient sur ses paramètres de fatigue, de douleurs, de fréquence d’entraînement, de volume et d’intensité de travail, à mettre en corrélation avec le sport pratiqué.

L’aspect BPS en Kine du sport a son importance aussi mais a une échelle inférieure que pour une patientele chronique à mon sens. L’éducation et la lutte contre les croyances sont importantes. Repérer certains facteurs psychologiques défavorables aussi à réaliser dans le bilan. Mais par expérience, ils sont souvent éloignés de l’origine des pathologies. Du moins ce n’est pas la norme. A bilanter tout de même pour ne pas passer à côté.

Concernant l’organisation, c’est plus au moins compliquée étant donné le tarif d’une séance au tarif sécu…
Mais je préfère demander plus cher et passer du temps avec la personne. C’est du temps de gagner. Le travail est beaucoup plus pointu et adapté. Et on ne dépend pas autant du facteur temps dans la cicatrisation. On crée un boost dans un but d’optimisation.

Je peux également travailler à distance à la suite d’un gros bilan poussé si je n’ai pas là choix. Cela fonctionne mais c’est plus grossier mais cela fonctionne aussi.

Maxime Eymard, titulaire d'une licence en neuroscience résume en quelques mots les 2 premières opinions.

Être un kiné soignant des sportif, c’est un fin mélange entre des qualités humaines, scientifiques et techniques.

Humaines : savoir être à l’écoute et offrir son attention, savoir s’adapter aux patients tout en restant le plus authentique possible, savoir se remettre en question, mettre son égo de côté. C’est être un bon accompagnant pour aller vers des objectifs qui ont été définis ensemble. C’est être capable d’échanger avec d’autres professions, de travailler en collaboration et s’appuyer sur leurs compétences. Pouvoir reconnaître ses qualités et ses lacunes pour savoir demander de l’aide au bon moment.

Technique : avoir une bonne main. Avoir des bonnes jambes n’enlève rien à votre pratique (pouvoir montrer et réaliser les exercices à vos patients est une plus value, ce qu’on maîtrise et comprend est plus facile à transmettre), être inventif et savoir faire du sur mesure.

Scientifique : Savoir chercher et trouver des informations de qualité, s’interroger et avoir un esprit critique développé. Il faut se former, rester curieux et entrenir un désir d’apprendre.

Fabien GAUTHERON intègre la "notion d'art carrefour des sciences"

La kinésithérapie du sport comme le dirait Georges Canguilhem est « un art au carrefour des sciences ».Elle nécessite de la part de celui qui la pratique de multiples aptitudes et des prises de risques. Depuis l’étude des cinétiques, des cinématiques de mouvements en passant par la compréhension de l’écosystème du pratiquant la kinésitherapie du sport confronte de nombreuses données toutes aussi pertinentes les unes que les autres.

L’art du kinésithérapeute du sport est de créer un système hiérarchique dans l’utilisation de ses données et dans la compréhension de celles-ci afin d’apporter des hypothèses cliniques et des propositions de traitement.
Recueillir, analyser et hiérarchiser dans son contexte les données sont les grand axes préalables à la création d’un raisonnement clinique adapté.

L’application thérapeutique visera ensuite à reconduire le sportif dans son niveau antérieur et le conforter dans sa capacité à performer.La différence majeure avec la kinésithérapie classique est la précarité permanente du sportif qui recherche la performance ainsi que la prise de risque continuelle et dosée des encadrants pour obtenir les résultats escomptés.

Par conséquent ,la kinésithérapie du sport est ,pour le pratiquant, comme pour le thérapeute un jeu d’équilibriste quasi permanent sans cesse enrichi par l’experience et les connaissances de chacun: Un échange, une quête, un chemin de vie…

Christophe Da Furriela avec son penchant pour la conceptualisation des séances et une approche de la kiné basé sur la quantification des effets et des ressenties nous partage içi sa vision rigoureuse, scientifique.

Les activités des acteurs du champ de la santé, voient l’émergence de nouveaux métiers. Les progrès de la science, les nouvelles technologies, la spécialisation, et l’hyperspécialisation apparaissent peu à peu, y compris dans notre profession de kinésithérapeute.
À travers différents lieux d’exercice, mon parcours professionnel en qualité de kinésithérapeute, m’a permis d’approfondir mes connaissances théoriques et de développer des compétences cliniques que j’ai toujours cultivé, et enrichi par le biais de formations continues spécifiques. En kinésithérapie du sport, tout au long de mon cursus professionnel, je me suis heurté à des difficultés pour faire les liens, entre les différents éléments abordés par mes confrères kinésithérapeutes, et les intervenants du monde sportif (entraineur, préparateur physique). Les 3 saisons passées à réaliser de la préparation physique en rugby, les années à réaliser des suivis et des analyses de données en rugby professionnel, en Équipe de France de Karaté, en football m’ont beaucoup aidé à cerner cette problématique.
Les kinésithérapeutes ont une formation initiale, qui ne développe pas la prise en charge du réentrainement des sportifs. La kinésithérapie du sport est abordée dans sa composante de prise en charge des soins. Mais rarement ou de façon non approfondie, dans le domaine du réentrainement. Les notions d’anatomie, de biomécanique, de système neuromusculaire, de physiologie sont maitrisées, mais toujours centrées sur la lésion. Avec une évolution nette, sur une prise en considération biopsychosociale, porté sur le traitement actif. Des formations complémentaires, basées sur les données de la science, proposent des retours d’expérience pour permettre ces passerelles. Toutefois, les différentes méthodologies d’interventions, correspondant à des champs de compétences distincts, se font sans réelle continuité ou transversalité.
Au fil de mes expériences, de mes lectures (retour d’expérience et scientifique), au fil des échanges, autant dans le milieu sportif que médical, il a émergé une structure commune. De façon caricaturale, deux formes de visions des situations, qui se retrouvent dans deux domaines distinct et complémentaire. Une première qui peut être définie comme simple, analytique, et une seconde systémique, complexe. Là encore, ma formation initiale, mes formations complémentaires, ne m’ont pas permis d’appréhender les implications pratiques de ces deux situations. Elles ne m’ont pas permis d’identifier que les outils, les connaissances utilisées pour chaque situation, n’étaient pas adaptés pour l’une ou l’autre. Ma méconnaissance en épistémologie (étude critique des sciences) était une lacune majeure. Pire encore, une opposition de ces deux visions peut s’observer chez les professionnels du sport ou de la santé. Lors de la prise de décision en retour au sport, il sera important de déterminer dans quels champs épistémiques nous nous trouvons :  simple (encore appelé « compliqué ») ou complexe, afin de mobiliser les connaissances adaptées à la situation.
Pour notre profession, il s’agit avant tout de  Conceptualiser, c’est-à-dire mettre des mots, créer des représentations de la réalité que nous vivons. Cette réalité débute par l’action, et non pas par la théorie. Notre activité s’organise par un ensemble de représentations, qui servent d’interface avec le réel, avec l’environnement (Vergnaud, 2007).  Notre première action, notre première réalité, est la prise en charge d’un sportif blessé (« C’est par l’action que commence la pensée », Vergnaud, 2011). La conceptualisation, la modélisation, les constructions symboliques, comme les infographies, vont être une aide à la réflexion sur nos propres pensées, une aide au raisonnement (Le Moigne,1990). Formaliser les savoirs pratiques est une étape indispensable pour optimiser l’efficacité de nos prises en charge (Guyet, 2013). L’objectif d’un kiné du sport est  de maitriser  la planification de la performance en retour au sport, et à la prévention des risques de récidive. Deux éléments qui sont pour moi indissociables, et qui répondent à la même démarche. Sans toutes ces démarches nous risquons d’être plus proche de croyances que de pratique raisonnée par les preuves.