« N’est pas sportif professionnel qui veut »

En cas d’entorse grave avec atteinte du pivot central, les sportifs de haut niveau ont quasiment tous recours à la chirurgie pour sécuriser leur planification de retour sportif. Et parfois ces chirurgies sont même expérimentales mini-invasives avec reconstruction ligamentaire (cf certains de skieuses internationales sur Lyon par exemple).

 

=> Voici la traduction d’un post publié par Kieran Richardson sur le blog australien physio-network qui a fait une synthèse de la littérature sur la rééducation du LCA pouvant semer un doute même chez les plus grands fans de publications sur ce thème…

L'avis de Yohann CASIN Kiné du sport LDLC ASVEL Basket:

« Avant d’évoquer le contenu, sachez que sa position adoptée est très clairement pro-rééducation à contre-courant du système médical pro-chirurgical face à la rupture de LCA (= contexte australien donc différent du nôtre!). Et c’est pour cela que cela biaise selon moi quelque peu sa transcription des conclusions d’une des études qu’il cite, celle de Frobell 2013.
Je vous recommande d’ailleurs sa lecture, en accès libre. »
Le plus de ce post:
Frobell évoque l’intérêt de la kinésithérapie qui peut même, dans certains cas, éviter la chirurgie alors que seul 50% du groupe test « chirurgie retardée ou évitée » ont réellement eu un traitement conservateur efficace sur le moyen terme (=pas eu besoin de passer sur la table d’opération!).

 

Cette étude comportait 121 sujets actifs (Etude « KANON » – 18 à 35 ans – 26 ans de moyenne d’âge – en excluant tout athlète professionnel). Elle a été réalisée en suivant comme méthode la comparaison de l’intérêt d’une rééducation longue (retardant la chirurgie, sans pour autant l’exclure) vs une chirurgie précoce.

 

Les 2 groupes (61 sujets en chirurgie précoce et 59 en chirurgie retardée pour prendre le temps de faire une rééducation poussée) ont été périodiquement revus sur plus de 5 ans, d’où un taux de suivi excellent, puisqu’un seul sujet sortit de l’étude.

 

Après analyse des résultas ils ont conclu que les résultats « encouragent les cliniciens et les jeunes patients adultes actifs à considérer la réadaptation comme une option thérapeutique primaire après une rupture aiguë du LCA ».

 

Et il fait le lien avec l’étude de Filbay et al 2017 qui en approfondissant les datas de l’étude « KANON, a montré que les patients qui ont reçu un ACLR précoce présentaient un pronostic pire dans de nombreux domaines que les autres patients (intervention chirurgicale retardée ou non opéré), souffrant d’un second traumatisme dû au forage chirurgical dans des structures intra articulaires, à une période prolongée d’inflammation des articulations et à un port modifié du poids (Bowes et al 2019, Larsson et al 2017). »

 

« Sur la base de l’étude KANON, des facteurs psychologiques tels que les préférences préexistantes, les croyances et le manque de motivation envers la réadaptation et les exercices ont été les principales raisons pour lesquelles les patients ont choisi une reconstruction (Thorstensson et al 2009), la performance physique de la force quadriceps et les tests de saut étant les facteurs clés du succès (Ericcson et al 2013) dans tous les groupes. Le choix de ne pas avoir un ACLR et d’opter pour une thérapie par l’exercice seul est également un facteur pronostique de diminution des symptômes du genou à 5 ans de suivi (Filbay et al 2017). »
Mes coups de coeur:
1/ Son paragraphe portant sur les suites LCA opéré vs non opéré, et le principe de cicatrisation ligamentaire spontanée:
« Nous avions précédemment émis l’hypothèse que l’ACLR empêchait l’arthrose et d’autres lésions méniscales par rapport au renforcement fonctionnel individualisé et progressif seul ; nous réalisons maintenant qu’il s’agit d’une idée fausse non soutenue par une science de haute qualité, avec des suggestions maintenant l’ACLR pourrait en fait augmenter le risque de l’arthrose (Nordenvall et al 2014, Culvenor et al 2019, Filbay 2019). Des études montrent aussi maintenant que, s’il est laissé, le LCA peut guérir (Ihara et al 1994, Fujimoto et al 2002, Costa-Paz et al 2012) malgré une croyance antérieure que cela était impossible à cause d’un manque de formation de caillots de sang. »

 

2/ « L’étude de cas non-opératoire la plus célèbre a été celle d’un joueur de Premier League anglaise qui est revenu jouer sans chirurgie dans les 8 semaines suivant une déchirure sur toute l’épaisseur et qui est resté sans problème à long terme (Weiler et al 2015, Weiler 2016). Il y en a beaucoup d’autres qui ont été champions au niveau élite dans divers sports, y compris en NBA, NFL et Major League Baseball, bien que DeJuan Blair soit l’un de mes favoris personnels : jouer avec succès dans la NBA pour les San Antonio Spurs pendant plusieurs saisons sans un ACL dans aucun de ses genoux ! »

A appliquer dès demain en cabinet:

1/ L’éducation du patient en pré-opératoire, l’évaluation précise de la kinésiophobie et de la douleur sont des aspects essentiels pour la réussite de la prise en charge kiné.

 

2/ « Dans notre examen subjectif, nous devons, au moins de façon superficielle, nous interroger sur les croyances des patients quant aux options de gestion des blessures, leurs attentes, leurs objectifs à court et à long terme, leurs considérations sociales, leurs craintes et leurs motivations (Burland et al 2019, Sommerfeldt et al 2018, Scott, Perry et Sole 2017). »

 

3/ « Lors de l’examen physique, nous devrions observer les manifestations de mouvements d’appréhension dans le membre affecté : protection, mouvements d’équilibration réflexes, co-contraction excessive des ischio-jambiers et des quadriceps et décharge disproportionnée du genou (Hartigan et al 2013).

 

L’auteur du blog conclue en mettant en avant une correction gestuelle « par des indices verbaux ou tactiles et en rassurant les participants afin de modifier ces stratégies aberrantes de contrôle moteur, ce qui, selon lui, améliorera la qualité et l’amplitude des mouvements (ROM) pendant l’évaluation des tâches fonctionnelles et réduira la douleur. »