Contraction Musculaire : ET si l’excentrique était un échec d’isométrique ?

I. LES MODES DE CONTRACTIONS

En rééducation, réathlétisation, préparation physique les stratégies de renforcement musculaire sclérosent tous les acteurs. Ce dont nous sommes certains c’est qu’il n’y a pas de modalités miracles. Chacune permet, induit des adaptations métaboliques, architecturales, nerveuses différentes à planifier en fonction de nombreux paramètres : fatigue, effets différés, effets cumulés, plaisir, cognitif, transférabilité. L’évolution des mœurs nous éloigne enfin d’une guerre autoproclamée entre travail isométrique et isotonique. Nous vous proposons une lecture différente et un axe de réflexion derrière la notion de référentiel. 

Commençons d’abord par définir les différents types de contraction musculaire. Il existe des contractions musculaires induisant un mouvement articulaire, on parle alors de contraction dynamique/isotonique et des contractions sans mouvement articulaire induit, on parle alors de contraction isométrique.

On peut diviser en deux modalités les contractions dynamiques ; – la contraction concentrique, ; contraction musculaire avec comme résultante un rapprochement des insertions musculo-tendineuses ; – la contraction excentrique ; une contraction musculaire avec un éloignement des insertions musculo-tendineuses. 

Le mode isométrique quant à lui est une contraction musculaire sans éloignement ni rapprochement des insertions musculo-tendineuse. On pourrait être encore plus être précis concernant le mode isométrique. En effet on peut le subdiviser en deux modalités, l’isométrie de maintien (yielding) et l’isométrie de surpassement (overcoming). L’isométrie de maintient consiste à maintenir une charge ou un objet dans une position sans mouvement articulaire. L’isométrie de surpassement consiste quant à elle à pousser contre un objet ou une surface immobile. Si on s’amuse à transposer ces deux types de contractions statiques avec les deux autres dynamiques on pourrait se dire que l’isométrie de surpassement s’apparenterait plus à une modalité proche du concentrique, alors que l’isométrie de maintient s’apparenterait plus à de la contraction excentrique statique. 

Après avoir défini brièvement les modes de contraction, il est indispensable de définir le référentiel : essentiel pour le reste de cet article.  En physique avant de parler de mouvement on fixe son référentiel, car le mouvement ainsi que son analyse et sa compréhension sont décrit par rapport à un référentiel donné et selon le référentiel il peut y avoir des conjectures différentes. Angle de vue différents, échelles d’observation différentes offrent une lecture différente, une interprétation différente. Comprendre le monde avec des référentiels multiples permet une analyse transversale et des points d’entrées, axes de réflexions et d’actions différents. En ce qui nous concerne l’observation de ces modalités contractiles peut très bien se faire à l’échelle macroscopique c’est-à-dire par rapport à un rapprochement/éloignements des insertions musculo-tendineuse, donc par les mouvements des segments articulaire. La modification de ce référentiel et l’observation à l’échelle microscopique peut modifier complètement la compréhension de ce qui s’opère lors des ces modalités de contractions, et ce d’autant qu’on explore le champ isométrique, négligé pour certains, adulé pour d’autres. Nous y reviendrons plus loin dans cet article.

On peut prendre d’autres référentiels pour décrire ces modes de contractions, en s’inspirant par exemple du modèle de Hill à trois éléments. 

Model de Hill ça vous parle ? Avant d’en parler petit point anatomie et histologie du muscle rapidos, vous connaissez la musique ! Plongeons nous dans le référentiel microscopique pour mieux comprendre la suite.

II. ANATOMIE ET HISTOLOGIE

Toi aussi tu t’embrouille toujours la tête avec myofibrille, myofilament, myofibre, sarcomère etc… On va essayer de décortiquer ça rapidement.

Pour mieux comprendre, on va se la faire à l’envers…    

Les myofilaments d’actines, de myosine et les protéines d’attaches au stries Z constituent le sarcomère. Plein de sarcomères mis bout à bout forme une myofibrille. Autour de cette myofibrille, il y’a le sarcolemme (aka la membrane du sarcomère) avec des protéines d’attaches membranaires, qui permettent d’attacher la myofibrille au sarcolemme, pour que lorsqu’il y ait contraction musculaire aucune des myofibrilles ne se scindent entre elles. Il existe d’ailleurs des pathologies graves touchant ces protéines d’attaches, notamment l’une d’elle ; la dystrophine. Elle est responsable de la myopathie de Duchenne entrainant ainsi de la difficulté à la contraction, de la fatigue musculaire jusqu’à l’affaiblissement total du système musculaire (squelettique et cardiaque).  Ce regroupement de myofibrilles avec leurs sarcolemmes forment une fibre musculaire, c’est l’unité cellulaire de notre muscle, celle-ci est entourée de noyaux satellites et d’endomysium (membrane conjonctive). Ces fibres sont regroupées en fascicules entourés de périmysium. Les fascicules musculaires se regroupent pour enfin donner le muscle entouré d’épimysium, et de fascia. 

Maintenant qu’on a dégrossit un peu, parlons de l’unité primaire de la contraction, le sarcomère. Comme vous le savez c’est l’interaction entre la tête de la myosine et le filament d’actine via la molécule d’ATP* (*Adénosine triphosphate aka le cash money énergétique) qui créer le glissement des deux myofilaments et donc le raccourcissement du sarcomère pour in fine permettre la contraction musculaire. 

Sans entrer dans les détails de la contraction, une protéine s’insérant sur la strie Z et la ligne M du sarcomère peut nous intéresser lorsqu’on parle de contraction excentrique : la titine. 

Premièrement elle tient son nom de « titan » car c’est la protéine la plus grosse et la plus grande du corps humain. On pourrait s’imaginer par pure empirisme que si c’est la protéine la plus grosse ce n’est pas pour rien ! Elle s’apparente à la forme d’un élastique qu’on utilise lors des sauts extrêmes. La titine est capable de s’étirer et de revenir dans sa position « replié » de repos. Son but est de maintenir l’unité structurelle du sarcomère notamment lors de la contraction excentrique. Admettons qu’on naisse sans titine : lors d’une contraction excentrique les têtes de myosine malgré l’hydrolyse d’atp n’arrivent pas à faire glisser les myofilaments d’actine pour le raccourcissement du sarcomère. La force externe tend à séparer la superposition des deux myofilaments et donc in fine crée une rupture du sarcomère par la dislocation la ligne M et de la strie Z. On pourrait se dire que la titine va permettre de par son étirement d’absorber une partie des forces externes. C’est un peu de « l’excentrique non contractile » à l’intérieure de la partie contractile. 

III. MODELE DE HILL, CAPACITE ET ADAPTATION TISSULAIRE

Hill a proposé dans son modèle à 3 éléments une manière d’analyser le fonctionnement musculaire. Il décrits trois composantes de l’unité musculo-conjonctive, la composante contractile CE, la composante élastique en série SEC et enfin la composante élastique en parallèle PEC. Pour résumer et sans entrer dans les détails de ces composantes, on peut grossièrement dire que le CE représente les protéines contractiles du sarcomère, le SEC peut s’apparenter entre autres aux tendons. Enfin le PEC quant à lui peut représenter les aponévroses et le sarcolemme.

Le SEC à un rôle primordial dans le stockage et la restitution de l’énergie. En effet, en utilisant ses capacités élastique le SEC va venir s’allonger pour absorber les forces externes, cette énergie est ensuite restituée par le retour d’allongement élastique du SEC. Pour une absorption et une restitution optimale il faut que la composante contractile CE, reste contracter en isométrique (superpositions statique des myofilaments d’actine et de myosine). La dite contraction isométrique du CE agit comme un véritable point fixe pour optimiser l’allongement et le raccourcissement du SEC. 

En gros dans un monde idéal pour optimiser le fonctionnement musculaire lors d’un geste sportif, il faudrait une contraction isométrique du CE et un étirement du SEC suivi de son raccourcissement … Nous avions introduit précédemment la notion de référentiel pour interpréter les modalités de contractions. L’observation non plus macroscopique à l’extérieur du corps mais à l’intérieur de l’unité contractile nous permet d’observer ce qui serait susceptible de s’opérer à chaque niveau des composants du modèles de Hill. 

On en déduit que pour la même contraction, si mon référentiel est le CE, je peux avoir une contraction isométrique du CE et pour autant observer une contraction avec un éloignement de mes insertions  dans un réferentiel « muscle + insertions ». Ce qui en soit est la définition du mode de contraction excentrique. 

Tout est une question de référentiel, d’où l’importance d’en fixer un dès le départ. Dans notre cas c’est soit un référentiel macroscopique (échelle articulaire) l’observateur voit s’éloigner les deux insertions. L’autre possibilité est un réferentiel microscopique avec un CE en isométrique et un SEC dynamique.   

Dans le domaine de la performance ou l’on souhaite le maximum de force dans un temps le plus court (RFD=Rate of Force Development : capacité à générer de la force plus ou moins rapidement, plus haut est le RFD mieux c’est pour la performance athlétique), le meilleur moyen d’y arriver serais donc un maintien isométrique du CE malgré des forces externes pouvant « tirer » le CE vers une modalité excentrique. Additionné à cela l’allongement/raccourcissement du SEC. 

Pour illustrer cette importance des composantes SEC dans l’optimisation du RFD et du RSI* (*Reactive Strenght Index : quantifie la performance pliométrique, lien vers article de CHAMU) comparons nous à un animal connu pour ses qualitées pliométrique, le Kangourou. Par pur empirisme, lorsque l’on observe ses membres inferieurs une des grandes différences avec les nôtres c’est la longueur tendineuse. En effet, ils ne disposent pas de muscle énorme contrairement à leurs tendons et le rapport Muscle/Tendon est petit. 

En partant du postulat suivant : « La structure est au service de la fonction », la performance aux bonds des Kangourous est en grande partie lié à cette composante SEC capable d’emmagasiné et de restituer énormément d’énergie via sa morphologie et non via un travail concentrique/excentrique de la partie contractile CE.  

Ainsi, nous pourrions supposer que si je n’ai pas la capacité de lutter contre les forces externes pour garder mon isométrie de maintien du CE, je suis en échec d’isométrique et je passe donc vers une modalité excentrique de mon CE (figure des deux stratégies de saut ci-dessus). D’où mon titre « pu*aclic »…. 

« Un bon lancer rapide est réalisé grâce l’action isométrique des fibres musculaires quand le complexe musculo-tendineux s’allonge et se raccourcit à travers l’étirement des composantes élastiques » Frans Bosch

Dans le cadre des blessures notamment des LMC* (*Lésion Myo Collagénique), on retrouve la plupart du temps un foyer lésionnel entre le CE et les composante SEC et PEC. Cela peut venir corroborer le fait qu’il y est énormément de tensions dans ces zones entre un étirement conjonctif et une contraction isométrique du CE, soit des vecteurs forces de sens opposés. Lorsque ces tensions dépassent les capacités tissulaires, le tissu cède. D’où l’importance d’intégrer du travail pliométrique, notamment en variant les amplitudes articulaires lors de ces sauts.  

La progression du travail pliométrique est un élément clé tant en terme de stratégie de réalisation que de volume. Il n’existe pas une pliométrie mais de nombreuses manières de travailler avec des focus, intentions différentes.

Parfois en minimisant les variations d’amplitudes articulaire lors des sauts et ainsi développer le maximum de force sans déformation angulaire. Ce type de travail permet notamment un focus sur le développement de la « stiffness » articulaire. Ce qui théoriquement permettrais lors de tâches sportives à ces composantes d’emmagasiner et de restituer un maximum d’énergie avec le minimum d’élongation. On serait donc sûr de la « pliométrie performance ». Ce travail pliométrique avec de faible amplitude articulaire pourrais être associé à contrario à un travail de « pliométrie préventive » avec de grande amplitude articulaire à échelle d’intentions variables. Celle-ci se traduisant par une compliance articulaire plus importante, des temps de contact plus long, une déformabilité à l’échelle articulaire plus grande. 

Les effets et implications de ces deux grandes familles de pliométrie préparent ainsi les composantes CE et SEC aux forces opposées qu’elles subissent à leur jonction lors de mécanisme lésionnels de LMC notamment, avec une forte élongation du SEC et une contraction isométrique du CE.  

Bien sûr que tout cela est théorique, il n’existe pas une pliométrie performance et une pliométrie de prévention, les deux se mélangent et les deux sont liées, nous utilisons ces termes afin de se faciliter la compréhension d’un système complexe… C’est le principe d’un modèle théorique. En réalité on pourrait déduire un continuum entre une pliométrie d’intentions sous-maximal de grande variation amplitude vers une pliométrie d’intention maximale de faible variation d’amplitude. 

Et l’intérêt de l’isométrie dans tout ça ? Premièrement, dans un référentiel microscopique permettre à son CE de maitriser ce mode de contraction, notamment via l’isométrie de maintien. L’explication théorique est la suivante ; mon CE devra être indéformable pour ne pas opter vers un « échec » en excentrique. Dans l’optique d’optimiser la réalisation de ma tâche motrice, je dois être fort en isométrie de maintien.  

Ensuite, dans un référentiel macroscopique, il y’a un intérêt à varier les angulations d’isométrique, notamment vers les positions d’étirement, afin de renforcer la jonction CE/SEC via la mécanotransduction* ( *transformation d’un stress mécanique en réaction chimique et/ou cellulaire). Différents monitorings d’isométrie sont possibles. L’isométrie explosive peut être d’un réel atout, le but ? « Apprendre » à nos tissus à générer une force isométrique la plus rapide possible, dans l’optique de se préparer aux taches motrices les plus rapides. 

IV. ISOMETRIQUE, RFD EXCENTRIQUE ET DECELERATION

Le travail isométrique trouve une place importante dans la décélération. Décélérer c’est quoi ? c’est freiner son centre de masse dans le but de l’arrêter. On retrouve différentes tâches frénatrices dans les sports. par exemple pour absorber des forces de réaction du sol après un dunk à la Michael Jordan, freiner son centre de masse est un prérequis pour changer de direction comme Léo Messi… Le frein parfait c’est passer de 100km/h à 0km/h d’un coup, et donc se serait sa capacité à générer de l’isométrie de maintient la plus rapide qui soit. Et plus on est puissant, plus il nous faut avoir une capacité frénatrice plus grande. « On ne mets pas des freins de Clio sur une Ferrari. »

Souvent on associe le frein et la décélération au travail excentrique. Si on s’intéresse aux composantes du model de Hill comme référentiel, le travail du CE doit se faire en isométrique et c’est l’élongation du SEC qui va permettre l’absorption des contraintes. Si on prend le référentiel macroscopique et qu’on prenne le muscle dans sa globalité avec ses insertions ; l’excentrique réalisé lors de l’absorption doit être le plus rapide possible, certains parle d’RFD excentrique; soit la capacité à absorber le plus rapidement une force externe. Le RFD excentrique le plus parfait est une contraction isométrique de maintient explosive… Attention nous sommes dans un modèle de Hill avec toutes les limites de ce modèle en 2D (déformation et déplacement des fibres en 3D) et la déperdition sous forme de chaleur et bien d’autres variable qui font de absorption de contrainte par le corps une usine à gaz de complexité.

Travailler son isométrie de maintien en explosif est donc intéressant dans nos prises en charge, sachant que bon nombre de blessure arrive par un manque de contrôle neuromusculaire sur des taches de décélération. 

Ce travail d’isométrie de maintient explosif peut être précéder d’un excentrique rapide ou d’un excentrique rapide passif* (*une chute, « seul » l’étirement de nos tissus collagénique passif nous freine) dans l’optique de mimer le plus possible ce qui se passe lors de tache motrice sportive. 

On peut alors parler d’Exc-Iso* (pour Excentrique suivi d’une contraction isométrique), qu’on pourrait subdiviser en deux, un Exc-Iso actif avec une contraction volontaire excentrique suivit d’une contraction isométrique de maintient explosive, et un Exc-Iso passif, une chute du centre de masse du corps ou du muscle à travailler suivie d’une contraction isométrique explosive. Sur l’Exc-Iso passif, on peut clairement dire qu’il n’est pas véritablement passif, car il subsiste en effet des co-contractions musculaire permettant la centration articulaire ainsi qu’une contraction reflexe lié à l’étirement rapide du muscle, on utilise le terme passif car il n’existe pas dans ce cas de contraction volontaire maximal. 

CONCLUSION

Pour conclure et donc répondre à notre question ; est ce que l’excentrique est un échec d’isométrique ? -Tout dépend du contexte (-facile celle-ci hein ? réponse classique d’un kiné) et peut-être que le terme échec est un peu fort. Si on prend comme référentiel le CE du model de Hill (référentiel microscopique), la contraction excentrique est un échec d’isométrie de maintien. Mais par pur empirisme, si de l’excentrique du CE ne devais pas avoir lieu pour optimiser la fonction musculaire pourquoi avoir la « Titanesque » Titine permettant autant que faire ce peu un travail excentrique du CE structurellement sûr ? Est-ce que cette Titine est uniquement présente pour protéger le CE de la rupture lors d’isométrie en course externe ? Je nous pose la question…

N’oublions pas de nous rappeler que le modèle de Hill à trois éléments reste un modèle, avec toutes les limites d’un modèle (qui de plus est uniquement en une dimension…). 

Si on prend un référentiel macroscopique, lors de tâches de décélération, au lieu d’utiliser le terme « d’échec » d’isométrique, on pourrait se  dire que le RFD excentrique le plus parfait est une contraction isométrique de maintient explosive, qu’on va essayez de travailler avec nos patients au cabinet où sur terrain. 

A vous de jouer