Course à pied : réflexions sur l'article de Van Hooren

Performance en course à pied

La course à pied tourne beaucoup autour de la VO2max, le % de soutien de cette VO2 max et aussi sur l’économie de course.

On a remarqué que les performances en termes d’économie de course sont dépendantes de la longueur de jambe, de la répartition en type fibrillaire musculaire ou encore sur des paramètres biochimiques.

Un des graal est l’optimisation biomécanique de la course en jouant sur la cinétique et la cinématique de course.

Étant donné que la biomécanique peut se modifier, alors ça devient une piste à explorer pour le domaine de la science…le game changer de la performance…changer son pattern de course!!

Le travail de Van Hooren et al 2021 permet de cadrer un peu le type de coureur et laisse entrevoir les facteurs précis qui déterminent le pattern.

Chez K-lyf, nous enseignons aussi un ciblage par des tests fonctionnels adaptés aux coureurs qui permettent de positionner le coureur dans son profil. Le but n’est pas de l’étiqueter mais de déterminer d’ou il part et de le confronter à ses attentes en termes de santé ou de performance…

article course à pied

Beaucoup d’études cherchent le paramètre magique à bouger pour améliorer cette RE mais les études se multiplient et le flou s’agrandit.

La course à pied est un processus systémique et vouloir changer un élément n’aura jamais seulement l’effet escompté.

Des paramètres physiologiques ou encore liés au matériel sont aussi à investiguer, d’où le travail sur les chaussures ou encore les sempiternels discussions autour de la meilleure manière de se renforcer ou de s’étirer.

On oublie un peu vite cette capacité d’auto-adaptation de l’Homme pour s’exprimer au mieux dans son environnement.

La méta-analyse de Van Hooren et al 2024 permet de recenser avec un degré qualitatif les différentes sources et de calibrer leur intérêt dans cette quête du RE optimal.

L’objectif premier sera l’étude de l’expression du RE (consommation d’O2 ou coût énergétique) et aussi de l’influence de la vitesse de course, de la biomécanique de course et du chaussage.

Les critères d’exclusion étaient la course non plate, barefoot, les courses avec charges, sous état de fatigue, qui dépasse le seuil 2 ventilatoire ou lactique et le sprint ou encore sur des modélisations biomécaniques.

Revue systématique

La revue systématique propose une étude approfondie de 51 études soit 1115 coureurs (904 hommes et 227 femmes).

La vitesse étudiée pour le RE va de 2,22m/sec à 5,56m/sec (soit de 7,99km/h à 20km/h). Ceux qui sont passés par le cours Traick ou Kiné-Prosport de Klyf connaissent mon opinion sur les vitesses de courses inférieures à 12km/h et sur les analyses que l’on en fait…

Parmi les paramètres spatio-temporels seul, la cadence de pas semble corrélé au RE.

L’oscillation verticale plus grande, va elle aussi avoir un impact modérément significatif sur le RE (plus l’OV est grande et plus le RE est basse).

Les paramètres cinématiques non pas d’impact significatif.

Pour ce qui est de la cinétique du coureur, il y a un impact modéré entre la stiffness de jambe, la stiffness verticale et le RE ( la stiffness plus haute permettrait une réduction du cout énergétique).

L’étude des forces de propulsion et de freinage au sol est beaucoup plus discutable en termes de lien avec le RE.

Plus surprenant pour l’homme de terrain que je suis, c’est le lien non significatif entre les EMG musculaire et le RE. Comme on le voit en cours, le coureur nécessite une bonne capacité de co-contraction en plein avec la capacité d’activation musculaire et aussi une bonne coordination inter-segmentaire et intra-segmentaire comme souvent le facteur limitant ici parait être l’outil d’étude…

Lors de la discussion de l’article chaque élément est analysé de manière plus poussée.

Les paramètres spatio-temporels

Pour ce qui touche aux paramètres spatio-temporels, la cadence est significativement corrélé mais faiblement. Les auteurs évoquent le fait qu’avec une cadence plus lente les forces de freinage à la phase d’impact au sol sollicitent plus d’énergie pour amortir et par conséquent plus de contractions concentriques pour se propulser. Le résultat de ce constat est un RE plus faible à cause du coût métabolique élevé des contractions dynamiques.

Selon moi, les auteurs négligent dans cette analyse les tissus conjonctifs et la quille de rebond du coureur qui peuvent intervenir dans les cadences faibles, plus on utilise le fascia et plus le coût énergétique métabolique est faible, la problématique de la « gestion » de l’impact au sol est beaucoup plus dépendant de la coordination du geste que des forces de freinage et propulsion.

Preuve en est les études qui montrent que plus on tend vers de la RE, plus la contraction musculaire utilisée tend vers l’isométrie…

La corrélation est plus forte quand la vitesse d’étude est grande ce qui va aussi dans le sens de l’utilisation du rebond conjonctif pour améliorer le RE (cf. les études de Dorn et al 2012).

Les explication sures intéressantes autour du duty factor (proportion de temps passé au sol en fonction du temps de foulée) permet de mettre en avant le rôle des propriétés musculo-tendineuses évoquées plus haut. Plus le temps de contact au sol est faible, le temps de vol grand et plus le RE est importante. D’où le fait que la vitesse élevée corrèle mieux car on est autour de 275ms de temps de contact à 10km/h et on est sur 175ms à 14,5km/h.

L’écartement des pieds durant la course ne montre pas de relation significative avec le RE (peu étudié en réalité) néanmoins, on peut rappeler que l’écartement plus important se retrouve chez des coureurs peu stables et/ou aux faibles qualités élastiques.

Course à pied : l’oscillation verticale

L’oscillation verticale est le paramètre suivant détaillé par les auteurs en course à pied.

Ils mettent en avant le coût énergétique lié à la lutte contre la gravité et le rôle que peut avoir l’OV dans la phase de vol comme dans la phase de contact (le cushioning de la chaussure affecte le RE). La corrélation est de moins bonne qualité quand on normalise l’OV avec la longueur de pas.

course a pied

La cinématique de course

Les auteurs s’intéressent en premier lieu à la flexion du genou à l’approche de pied au sol, autant que durant la phase de toe-off. La corrélation est non significative avec le RE car il existe plusieurs bémol, soit le moment de force des extenseurs du genou qui coutent de l’énergie soit le retour de jambe en l’air qui serait couteux.

Il est intéressant alors de comprendre que la propulsion dépend de la technique d’amorti au sol elle-même dépendante de la gestion de la phase en vol (et oui le type de pose de pied, on s’en moque!!).

Les analyses sur la cheville mettent en avant qu’une flexion plantaire plus grande tendrait vers une oscillation verticale plus grande et donc un coût énergétique plus grand.

Je rappelle ici que les travaux de Frans Bosch mettent en lumière le meilleur contrôle neuro-musculaire de la cheville dans une amplitude proche de 90° et aussi la plus grande capacité de co-activation du complexe cheville dans cette amplitude.

D’un point de vue plus large, les auteurs suggèrent que la position du membre inférieur à la position du toe-off serait un bon indicateur de la qualité du RE.

Le mouvement de rotation du tronc contre carre par les bras est aussi une cible pour obtenir un meilleur RE.

La cinétique de course

Un pic de force de réaction au sol élevé (ramené au poids de corps) est corrélé avec un RE élevé.

Dans le coût énergétique de transport, le cout de support et d’accélération du corps représente 80%. (accélération=force /masse)

Le coût de déplacement est ici considéré du point de vue musculaire et donc métabolique. De ce point de vue la, plus le déplacement est vertical et plus le cout métabolique est élevé et en lien avec les données évoquées plus haut dans l’article.

Pour ce qui est de la stiffness de jambe ou la stiffness verticale, on remarque que celles-ci permettent une meilleure gestion du stockage/restitution de l’énergie emmagasinée.

La stiffness générale de membre inférieur est plus indicative que la stiffness de chaque articulation. La stratégie angulaire de la hanche et du genou vont engendrer des stiffness différentes au niveau articulaire et par conséquent peu de lien exploitable dans l’analyse.

Arellano et Kram 2014 mettent en évidence le coût métabolique plus important de la propulsion que l’amortissement, lors des phases du cycle de course.en effet, le stockage à la pose de pied peut être réaliser par le tissu conjonctif en partie alors que la propulsion dépend pour beaucoup du temps de contact au sol.

Course à pied athlète

Le recrutement musculaire

Ce point est très interessant et reflète la pauvreté du monde de la science dans la compréhension de la chaine myo-fasciale et du coureur.

Soit le coureur utilise sa musculature uniquement pour se déplacer soit il utilise la musculature pour mettre en tension les chaines cinétiques et permettre le gain d’énergie par le stockage /restitution de l’énergie cinétique. Dans ce dernier cas, on économise énormément au niveau métabolique.

Les auteurs mettent en avant l’incohérence des résultats de l’étude en rapport avec le coût métabolique. Ils évoquent ensuite la possibilité de l’utilisation de l’activité musculaire pour mettre en tension la stiffness verticale du coureur.

Il est aussi important de comprendre que les muscles bi-articulaires sont très interessants pour améliorer le coût énergétique.

La co-activation est un principe de base dans le contrôle du mouvement et dans la gestion des cinématiques de course. Seulement les études se contredisent sur les résultats en lien avec le RE, surtout à cause des choix de paires de muscles étudiés ou des durées de co-activation observées.

En pratique que tirer de cette méta-analyse?

L’objectif est bel et bien de transférer à la pratique. Les auteurs mettent en lumière qu’un paramètre isolé peut améliorer de 4 à 12% le RE et bien plus si on combine les éléments.

Attention il apparait que modifier la cadence par exemple à tendance à augmenter le RE. Cela semble logique si on considère que l’apprentissage du nouveau pattern a un coût énergétique lié au stress neural et émotionnel.

Concrètement, il apparait que les coureurs sont à des cadences légèrement inférieures à la cadence optimale, la question se pose de l’augmentation de cette fréquence de pas pour performer plus… Les coureurs en courant ne s’optimisent pas en auto-régulant?

Il est important de comprendre que le coureur utilisera au mieux ses compétences et ses ressources par de l’auto-régulation.

Un autre focus est fait sur le travail coordinatif intersegmentaire et intermusculaire pour optimiser le RE.

Les limites de ce travail

La grande partie des coureurs étudiés sont des hommes.

Les coureurs plus âgés ont été exclus ce qui est intéressant, c’est que souvent on entend sur le terrain que les coureurs masters sont plus économiques que les jeunes, ce qui expliquerait leur compétitivité malgré l’âge.

Bien entendu, ici seul les coureurs sur plat sont étudiés et les coureurs de Trail ou encore de cross sont peut-être peu concernés par ces informations.

Les auteurs mettent aussi le doigt sur le fait que le RE est aussi discipliné dépendant et que par conséquent cela crée un problème dans la comparaison des études.

Enfin, la réalité du chaussage pose aussi question sur les informations recueillies.

Conclusion

Cette étude de très bonne qualité, réalisée par des auteurs fiables, permet de mettre en avant un certain nombre de corrélations, même si encore une fois nous ne sommes pas devant un game changer ou une pierre philosophale.

Le coureur est complexe et il faut savoir respecter cette complexité dans l’analyse et dans le traitement.

Référence de l’article :

Van Hooren, B., Jukic, I., Cox, M. et al. The Relationship Between Running Biomechanics and Running Economy: A Systematic Review and Meta-Analysis of Observational Studies.Sports Med (2024). https://doi.org/10.1007/s40279-024-01997-3

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