LES MENISQUES - partie 2

Le but de cette dernière partie est de se poser les questions suivantes : comment en tant que mécanotransducteur*,  je peux créer un continuum d’exercices de plus en plus exigeants pour la structure méniscale, dans le cadre d’une rééducation ? Comment pourrait-on construire des exercices pertinents et précis en s’inspirant de l’anatomie et de la biomécanique du genou ? 

« Comment faire sa propre mayonnaise ?»

III. REEDUCATION ET PROTOCOLES ACTUELS

Une revue réalisée par Sherman et collaborateur en 2020, propose un protocole de prise en charge des lésions méniscales en plusieurs phases avec des objectifs précis, des exercices thérapeutiques ainsi que des critères de validation pour chacune de ces phases.  

Ce programme comporte une phase 1 post-op ou post-blessure immédiate (cf. tableau ci-dessous), une phase 2 intermédiaire, une phase 3 « protection minimale » et enfin une dernière phase qui prépare le retour à l’activité avec un haut degré d’impact. Ledit programme évolue progressivement d’exercices lents avec faible amplitude vers des exercices pliométriques et multi-planaires, avec donc une demande de plus en plus importante pour les ménisques. On y retrouve notamment des exercices de type squat, hip bridge, heel raises, simples mais efficaces tout de même ! 

Une étude publiée par le JOSPT en 2018 à tenté d’évaluer la force de compression des compartiments médiaux et latéraux de l’articulation fémoro-tibiale. Pour cela, ils ont fait réaliser plusieurs exercices et ont calculé les forces de compression par exercices et par compartiments. La limite de cette étude est qu’elle est réalisée sur des individus sains, sans modification de pattern de mouvement par la douleur ou de modification des zones de contact par une lésion tissulaire. Ce qu’ils ont trouvé d’intéressant dans notre contexte est que la fente latérale et le squat sont plus sollicitants pour le compartiment latéral que le médiale, contrairement à la fente sagittale. De plus, en augmentant l’amplitude sur les exercices proposés, on augmente les forces de compression notamment au niveau postérieur des surfaces articulaires fémoro-tibiales.

On se garde ces informations sous le coude pour faire notre propre mayonnaise !

IV. DES INGREDIENTS, DES RECETTES, UN CONTINUUM ?

Et si « on se prenait un peu plus la tête » sur des exercices thérapeutiques ? En s’inspirant de ce qu’on vient de lire sur les parties précédentes, ou pourrait créer différents « montages » pour essayer d’être encore plus précis et spécifiques. On pourrait s’inspirer des tests de reproduction de symptôme par exemple – notamment pour les exercices en fin de continuum. Si mon patient arrive à réaliser ces exercices inspirés de tests de reproduction de symptômes, alors cela veut dire qu’il a augmenté sa « tolérance tissulaire » à des sollicitations mécaniques importantes. 

On peut encore une fois le répéter car « la répétition fais partie de la pédagogie » : la place  de l’anamnèse dans notre bilan est cruciale. L’un des éléments clé dans la blessure du sportif c’est la situation lésionnelle. L’un des buts d’une rééducation, est de rendre plus résilient le patient s’il devait être amené à se retrouver dans la situation lésionnelle. Le confronter en fin de rééducation à sa situation lésionnelle est ultra-important. Au-delà de l’aspect physique et biomécanique, cela a une grande importance dans la psychologie du sportif.  En effet, on pourrait se donner l’adage suivant « Dit-moi comment tu t’es blessée, je te dirais comment te soigner ».

Pour finir, nous allons présenter quelques exercices issus de nos réflexions. Nous avons volontairement souhaité ne pas faire de différence entre le ménisque opéré ou non, l’objectif étant de s’inspirer de la biomécanique de l’anatomie et de l’histologie pour créer un continuum adaptable à l’individu. Un continuum de prise en charge méniscale adapté à votre patient doit tenir compte de la sphère psycho-sociale, du type de lésion et du type de chirurgie s’il y en a eu une.

EXERCICES

Exercice 1
En décubitus ventral, enroulement élastique
pour créer une rotation tibiale résistée, manœuvre d’Apley  sans la compression (Lien du test d’Apley pour les lésions méniscales), garder les contraintes en rotation en diminuant les contraintes en compression.  Variation de l’angle de flexion du genou pour stimuler plus ou moins la partie antérieure/postérieure de l’articulation fémoro-tibiale, permettant aussi de venir stimuler la capsule articulaire et de ce faite la synovie. 

Exercice 2
Travail isométrique « explosif » des ischio-jambiers en rotation interne de tibia pour faciliter le travail du semi-membraneux. Le but de l’exercice est d’apprendre à contracter rapidement en isométrique dans l’objectif d’absorber « activement » les forces de réactions du sol de manière optimale.  Pour nous, c’est un prérequis au travail de décélération. Importance du semi-membraneux, au vu de sa localisation. Exercice intéressant pour les rééducations de RAMP lesion. La contraction des ischio-jambiers, notamment du semi-membraneux permet une stabilisation active du tiroir antérieur. 

Monitoring : Contraction isométrique à 50% de sa MVIC (Maximum Volontary Isometric Contraction), pendant 1 minute et chaques 5 secondes contraction isométrique la plus rapide possible à 100% de la MVIC pendant 2’’.

Exercice 3
En fente, montée de talon, isometric hold, intension de contraction maximale avec comme consigne « poussez à fond dans le sol, serrez fort la cuisse le mollet et les fessier »  puis on demande de relâcher rapidement les contractions pour ensuite les reprendre le plus rapidement en isometric hold maximal. On peut rajouter un « push plate » des membres supérieurs avec une rotation du tronc, dans le but d’obliger les tissus à venir se contracter pour « canaliser » l’énergie cinétique produite par le disque et donc de mimer une décélération du centre de gravité. 

L’objectif de cet exercice est de mettre en place les co-contractions nécessaires à l’optimisation de l’absorption des forces de réaction du sol en mimant un échec d’isométrique par un travail « excentrique collagènique passif » bref suivi d’une reprise active du contrôle de la décélération du centre de gravité. 

Exercice 4 
Squat bipodal vers un « one leg stance » pour charger un peu plus précisément le ménisque latéral. Comme vu précédemment, en extension complète les forces de compression sont plus réparties sur le ménisque latéral que sur le médial. Importance du travail dynamique, car le ménisque agi comme une éponge, compression > décompression. On va justement utiliser le mouvement pour créer cet effet ! Isométrie… isométrie… mais pas que hein !!

Exercice 5 
« Bulgarian split squat hopping » par-dessus des haies disposées sur les côtés droits, gauche et une devant. A proximité de chacune des haies un plot de couleur, le patient avant de sauter retient les couleurs et chacun de ses sauts dépendra de la couleur annoncé par le thérapeute. 

En s’inspirant de la méthode Perfetti on peut mettre en place plusieurs niveaux :

Niveau 1 : le patient regarde les couleurs et la haie avant de sauter ainsi qu’en sautant s’il le désire.
Niveau 2 : Le patient n’a pas le droit de regarder ni les haies ni les couleurs, il regarde un point fixe devant lui
Niveau 3 : Le patient n’a pas le droit de regarder ni les haies ni les couleurs, il regarde un point fixe opposé au côté du saut.

Les ménisques, comme d’autres tissus composant l’articulation du genou, contiennent des mécanorécepteurs proprioceptifs de type corpuscule de Pacini et de Ruffini. Ils permettent d’envoyer au cerveau des informations quant à la position et au mouvement du genou dans l’espace. En omettant l’afférence visuelle, on essaie de rendre le cerveau dépendant de cette afférence proprioceptive.

Exercice 6
Travail sous forme navette avec plot, course vers l’avant puis retour en marche arrière rapide.
Le thérapeute indique lorsqu’il le souhaite un coté pour effectuer un changement de direction. Celui-ci doit être réalisé le plus rapidement possible. Il est intéressant de faire durer le suspense afin que le patient réalise un changement de direction sous fatigue. Si le mécanisme lésionnel est un changement de direction, cet exercice prend encore plus du sens dans une fin de rééducation/réathlétisation.

Il faut aussi savoir que selon le type de lésion, la mise en charge du membre inferieur n’est pas recommandée directement. ET SI je vous laissais y réfléchir ? A votre avis, au vu des informations données sur l’anatomie et la biomécanique des ménisques, lesquelles des lésions méniscales seraient plus enclines à être protégées d’une mise en charge prématurée ?